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Guy Amalric n’est pas capitaine au long Cours, mais il a été pilotin sur le 3-mâts barque de Nantes, la VENDEE en 1907-1908.

Avec ce navire, la VENDEE, le 2 septembre 1908, à l’île Wallaston (près du Cap Horn) tout près du Canal de Beagle, Amalric fit naufrage. Il raconte son odyssée :

Bouché et moi sommes à l’heure actuelle, peut- être les deux derniers survivants de cette Aventure extraordinaire (même pour l’époque) car tout l’équipage fut sauvé du naufrage... et pourtant, perdus dans une tempête de neige qui persistait depuis plus d’une semaine, naviguant ainsi à l’estime, c’est de nuit que nous nous engageâmes dans le sud de l’archipel Horn...  Une éclaircie providentielle de lune nous fit apercevoir sur tribord les cimes des hauteurs d’une terre dont nous ne vîmes jamais la côte. Pendant près de 20 minutes, grâce encore l’éclaircie de la lune, nous pûmes éviter, de justesse, des écueils,

Tantôt à tribord, tantôt à bâbord... Ce fut le moment le plus dramatique de notre aventure, car en fuite sous les huniers, par très gros temps, nous filions avec ce vent d’Ouest dans les 10 nœuds... Pendant encore cinq heures, toujours grâce aux éclaircies de lune (pleine lune), nous naviguâmes à tâtons si je puis m’exprimer, ainsi au milieu des îles dont ne vîmes jamais les côtes, mais seulement les hauteurs, tantôt à tribord, tantôt à bâbord. Notre seul espoir était de tenir jusqu’au jour pour trouver une sortie vers le N.O., vers l’Atlantique. A 4 heures du matin, comme nous pûmes le constater par la suite, la VENDEE s’engagea dans une baie profonde sans issue. Elle talonnait à deux reprises, sur les roches mais continuait sur son erre, sombrant lentement, nous permettant de mettre à l’eau les deux baleinières et d’atteindre la côte que nous devinions proche sur bâbord. Tous sauvés, nous étions 25, état major compris, nous allions vivre pendant 20 jours, sur ces terres désertes et glacées.

Naviguant de jour, lorsque la tempête permettait à notre petite escadrille (2 baleinières, la chaloupe et le youyou réserve de vivres) campant la nuit sur des plages sous le vent des îles, c’est une véritable vie de Robinson, que nous menâmes jusqu’au premier contact avec des hommes. Un petit navire à vapeur chilien, qui tous les 2 mois, partant de Punta Armas, (Chili) venait sur les canaux ravitailler les quelques points de la Terre de Feu habité par des civilisés, en particulier Ushuaia (Argentine), le port qui était et est encore le plus sud du Monde, fut aperçu à temps au moment où sa mission terminée, il allait remonter vers le Détroit de Magellan. Logés dans la cale, naviguant aussi de jour, nous parvînmes finalement à Punta Arenas, ayant d’ailleurs pris à bord le reliquat de 1’équipages du 3-mâts italien, naufragé à la même époque que nous, sur la côte Pacifique de l’île de la Désolation, dans le N.O. de la Terre de Feu. Voici abrégé trop succinctement cet exposé de ce naufrage.

 

Signé : Guy Amalric, chef d’Escadron d’Artillerie, en retraite, le 22 octobre 1957.